KYUDO: LA VOIE DE L’ARC, UN ART MARTIAL JAPONAIS

KYUDO: LA VOIE DE L’ARC, UN ART MARTIAL JAPONAIS

KYUDO

  • Kyudo

Bien que le tir à l’arc existe depuis la fin du Paléolithique supérieur (-10.000 ans), le Kyudo, le tir à l’arc japonais, quant à lui s’est développé comme un art martial au début de l'ère Edo.

Kyudo signifie la Voie de l’Arc: Kyû (弓) = Yumi = Arc et Dô (道) = Tao = Michi = Voie.

Si l’arc japonais était utilisé avant tout pour la guerre par les samouraï entre le XIIe et le XVIe siècle, c’est pendant l’ère Edo (1603~1868) que, comme pour les autres arts japonais, celui-ci a connu son principal essort.

Pendant cette période de plus que 250 ans, le Japon a fermé ses portes aux étrangers et s’est replié sur lui-même.

Le pays a connu une longue période de paix sous la direction des Shogun successifs. Du fait de ces conditions favorables, le Japon a prospéré et a développé les arts qui sont connus comme typiquement japonais, par exemple, le Sado (la cérémonie de thé), le Kado (l’arrangement des fleurs), le Ukiyoe (les estampes), le Kabuki (le théâtre), le No (le théâtre) et bien sûr le Kyudo.

Le Kyudo est considéré au Japon comme l’un des Budo (武道) les plus purs et est pratiqué par quelques 600 personnes en France, licenciées à la Fédération Française de Kyudo Traditionnel. Il n’est plus une arme depuis longtemps…

Aujourd’hui, le Kyudo est pratiqué avant tout pour atteindre à un certain niveau physique, moral et spirituel. L’influence philosophique très forte du zen, adopté il y a plusieurs siècles par les samouraï comme méthode d’entraînement moral, permet aujourd’hui aux pratiquants modernes du Kyudo de mieux se comprendre et de mieux comprendre le monde autour d’eux.

«Il ne s’agit pas de viser une cible extérieure, mais l’archer et la cible sont unis, on intégre la cible à soi-même. Il faut oublier l’arc qui tire, oublier soi-même, ne faire qu’un avec l’arc et la cible, tendre vers l’infini sans en connaître le point d’aboutissement…» disait Anzawa Sensei, grand maître de Kyudo au Japon, mort en 1970.

L’ORIGINE DE L’ART KYUDO

Pendant l’époque des Samuraï, le Kyudo s’appelait « Kyujutsu », ce qui signifie « technique de tir à l’arc ». Il y avait et il y a encore beaucoup d’écoles traditionnelles de tir à l’arc au Japon.

Elles gardent les méthodes et la philosophie créées pendant l’ère Edo. Le mot Kyudo lui-même est né dans pendant l’ère Meiji, ère qui succède à l’ère Edo.

Le début de l’ère Meiji se caractérise par de très grands changements dans la structure de la société japonaise dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels.

Les classes de l’ancien régime sont éliminées, la classe des Samuraï perd son pouvoir et le Japon ouvre ses portes au monde extérieur.

Du fait de la disparition des Samouraï, le nombre des pratiquants du Kyujutsu diminue considérablement.

Le Kyujutsu se transforme alors en Kyudo, un art martial plus orienté vers le sport et abordable par le plus grand nombre. Une nouvelle forme de tir émerge, le Kyudo moderne.

Dans ce nouveau Kyudo, c’est non seulement l’efficacité du tir mais aussi le chemin de la Vie et du perfectionnement de soi qui sont recherchés.

UN ARC GRAND ET BEAU «KYÛ ( 弓 ) = YUMI = ARC»

Dans les temps anciens, l’arc est taillé dans un seul morceau de la partie la plus solide du tronc du zelkova (Tsuki ou Keyaki) ou du catalpa (Azusa).

À partir du Moyen-âge, il est construit selon la méthode du lamellé-collé avec du bambou en forme à double courbure. L’arc utilisé dans le Kyudo est un arc long arc et mesure environ 2,20 m.

Cet arc, moins fonctionnel qu’un arc court, est pourtant conservé par les archers, car ses défauts sont largement compensés par la qualité de ses matériaux naturels, la simplicité de sa forme presque primitive, son élégance et sa beauté.

Pour le pratiquant du Kyudo, l’arc et les flèches sont des objets de vénération (Tempyo), investis de spiritualité et utilisés avec respect.

Archer, Kyudo
Archer, Kyudo

L’arc japonais est très particulier et n’a d’équivalent dans aucun pays du monde.

Il est très grand et privé de tout équipement, sa poignée est placée asymétriquement, au tiers inférieur pour permettre de tirer à genou ou à cheval, et lors de la décoche de la flèche, il pivote dans la main de l’archer, si bien que la corde vient toucher l’extérieur de son avant-bras gauche.

À noter que tous les pratiquants, droitiers ou gauchers, tiennent l’arc de la main gauche afin de rester toujours en face des juges qui se trouvent devant le Tokonoma (sorte d’autel).

Autre particularité: la flèche se pose sur le côté droit de l’arc, à l’inverse de ce qui se fait dans le tir à l’arc occidental. Il y a des arcs de différentes tailles, et de toutes puissances, adaptés à différents types d’archers.

Le Kyudo n’est pas une question de force physique et est ouvert à toutes et à tous, quel que soit l’âge.

Une grande importance est donnée à la qualité de la posture et du gestuel.

Le Kyudo n’accorde qu’une place accessoire à la précision du tir, qui n’est en fait que le résultat inéluctable d’un tir « parfait », c’est à dire parfaitement exécuté en respectant les principes transmis par les lignées ininterrompues des Maîtres Archers.

Le tir parfait sera non seulement précis, mais emprunt de dignité et d’esthétique, dimensions fondamentales de la pratique du Kyudo. Esthétique du geste rhytmé et harmonisé à la respiration, esthétique de la posture équilibrée, soulignée par la beauté des formes de l’arc.

Tout l’art du Maître est de guider le pratiquant dans l’exécution très précise de ces gestes, rendue possible seulement par une concentration ininterrompue, et un entraînement intense et régulier.

CONDITION DE LA CÉRÉMONIE DE TIR

TAILLE DE L’ARC

La taille de l’arc est adaptée à la taille de l’archer :

La puissance des arcs varie en fonction de la force de l’archer et se situe, en général, entre 10 et 25 kg.

Détails de l'arc utilisé au Kyudo
Détails de l’arc utilisé au Kyudo

LES FLÈCHES: YA

Flèches, Kyudo
Flèches, Kyudo

Les flèches peuvent être en bambou, en aluminium ou en fibre de carbone.

Le choix du matériau se fait surtout en fonction du prix car il n’y a pas vraiment de problème d’entretien pour les flèches en bambou.

Il suffit de les frotter régulièrement avec un chiffon imprégné d’huile d’amande douce.

Les flèches pour le tir d’entrainement (Makiwara) sont dépourvues d’empennage et la pointe, toujours en métal, est conique alors que les flèches pour le tir sur cible (Mato) ont une pointe en métal, plus fine.

Il existe une très grande variété de plumes pour l’empennage des flèches destinées au tir à la Mato. La qualité, et donc le prix, varient énormément, des plus simples (dinde), aux plus luxueuses (aigle noir, faucon).

Elles demandent un léger entretien : il faut les remettre en forme régulièrement, à la main ou à la vapeur.

LA CORDE: TSURU

Tsurumaki et corde
Tsurumaki et corde

«La corde compose la partie essentielle de l’arc. Elle représente l’axe du monde autour duquel tout gravite. Le point d’encoche de la flèche est le centre du monde manifeste. La légende veut que l’arc n’ait pas été inventé par l’homme, mais soit un don de Dieu ; elle ajoute que l’arc se conçoit à partir de la corde, et non le contraire.» (Michel Martin)

L’archer doit toujours avoir près de lui une seconde corde, préparée, enroulée sur un Tsurumaki. Ainsi, si sa corde casse au cours d’un Sharei (tir en groupe), elle peut être remplacée sans en gêner le déroulement.

LE GANT : KAKE

Gant, Kyudo
Gant, Kyudo

La main droite, qui tient la corde, est protégée par un épais gant de cuir, aujourd’hui encore fait artisanalement avec du cuir de cerf, très renforcé au niveau du pouce et du poignet.

Il existe trois sortes de gants. Les plus utilisés sont le Mitsugake, gant à 3 doigts et le gant à quatre doigts, Yotsugake, utile pour ouvrir des arcs forts.

L’archer doit toujours être agenouillé en Seiza, lorsqu’il met son gant.

Le cuir étant une matière vivante, le gant doit être entretenu avec soin. En particulier, il ne faut jamais ranger un gant humide, ou avec un sous-gant humide à l’intérieur.

Le gant se range dans un étui en tissu, qui permet au cuir de respirer. Pour ne pas l’abîmer prématurément, il faut éviter l’excès de Giriko, cette poudre que l’on met sur le doigt pour empécher un lacher inapproprié.

LA TENUE

Tenue de Kyudo
Tenue de Kyudo

La tenue d’exercice standard est composée des éléments suivants :

  • Le Keikogi, haut blanc, à manches courtes
  • Le Hakama, une jupe-pantalon (ou jupe pour certains modèles) longue: noir pour les hommes, noir ou bleu marine pour les femmes, il est légèrement différent selon les sexes (ceinture montante à l’arrière pour les hommes)
  • Le Obi, ceinture épaisse qui se place sur le Keikogi mais sous le Hakama
  • Les femmes portent un Muneate (protège-poitrine), blanc, noir ou transparent, en plastique ou en cuir
  • Les Tabi sont des chaussettes blanches, au pouce séparé
  • Les Zori, sandales japonaises, sont utilisées pour se déplacer en dehors du dojo
  • A partir du 4e dan, les pratiquants doivent porter le kimono, dont les couleurs délicates et variées apportent une beauté certaine à la cérémonie du tir

CONCEPTION DU DOJO

Plan du Kyudojo
Plan du Kyudojo

PLAN D’UN DOJO

Un kyudojo traditionnel est composé d’une salle de tir abritée, le Shajo, d’une «maison des cibles» ou Matoba, abritée également et située à 28 mètres de la ligne de tir.

Ces deux parties sont séparées par un espace ouvert de pelouse ou de graviers ratissés, sur le côté duquel est aménagé le Yatori Michi, ou chemin pour aller chercher les flèches.

Le même arrangement est reproduit dans un simple gymnase, par un marquage au sol et avec des pièces de bois.

LE SHAJO

Le Shajo est la salle de tir où se tiennent les archers et les Sensei. Sur le côté droit du Shajo (lorsqu’on regarde les cibles), se trouve le Kamiza, espace réservé aux Sensei et à une sorte de petit autel, le Tokonoma.

On y trouve souvent une calligraphie reproduisant une citation liée au Kyudo, une photo d’un Sensei japonais décédé ou une composition florale.

Les lignes de tir, Shai, et de salut, Honza, sont repérées par des pièces de bois situées à l’extrème droite, au sol. D’autres pièces de bois peuvent matérialiser l’entrée et la sortie du Shajo.

LES CIBLES

Azuchi (ciblerie), Kyudojo
Azuchi (ciblerie), Kyudojo
Makiwara
Makiwara

Il y a en Kyudo deux types de cibles, la Makiwara et la Mato.

  • La Makiwara est une botte de paille solidement liée, posée sur un support à hauteur du visage de l’archer. C’est la cible avec laquelle on débute au Kyudo, avant de pouvoir tirer à la Mato, mais c’est aussi la cible idéale pour le perfectionnement. L’archer se tient à environ deux mètres et s’entraîne à la précision et à la justesse de ses gestes. Ce type d’entraînement permet de ne pas être troublé par le souci d’être performant en termes de but à atteindre. Il est donc plus aisé de se concentrer sur la perception de sa forme et de ses gestes devant une Makiwara.
  • La Mato, la cible proprement dite, est un cercle de bois recouvert de papier. La plus commune, celle de 36 cm de diamètre, est utilisée pour le tir à 28 mètres, le tir le plus courant (Kinteki). Les Mato sont disposées sur l’Azuchi, butte de sable à l’abri de la Matoba. Dans un gymnase, on reconstitue artificiellement l’Azuchi grâce à des plaques d’un matériau particulier.
Mato
Mato

Au-dessus des cibles, on trouve souvent l’Azuchi no Maku, rideau décoré d’une calligraphie.

Lors de l’entraînement, il est d’usage de laisser la dernière Mato au Sensei: de cette place, il peut voir le tir de ses élèves devant lui.

Les Mato sont séparées de 1,80 m (de centre à centre). Elles sont fixées à environ un poing (10 cm) au-dessus du sol (le centre est ainsi à 27 cm du niveau du sol), et inclinées d’environ 5°.

Il existe aussi une cible plus grande, de 1,50 m de diamètre, utilisée pour le tir à longue distance (tir Enteki, généralement 60 mètres).

Enfin, une toute petite cible de 9 cm de diamètre est utilisée pour des occasions spéciales, plus festives. Elle peut être dorée ou argentée, et celui qui la touche l’emporte.

AUTRE MATÉRIEL

Un dojo est un lieu sobre et raffiné, où l’on trouve en fait peu d’équipement. En dehors des supports d’arcs (Yumitate) et des porte-flèches (Yatate), on peut trouver des miroirs, très utiles aux archers pour voir et corriger d’eux-mêmes leur position lorsqu’ils s’entraînent à la Makiwara.

LES HUIT ÉTAPES DU TIR

L’application correcte des techniques de tir au tir lui-même s’appelle le Shaho (principes de tir). Dans l’entrainemnt Kyudo, il est essentiel de comprendre les critères que définissent le Shaho.

Il y a longtemps, le Shaho décrivait le tir d’une flèche en 7 étapes et s’appelait alors Shichido ou Gomi-Shichido.

Le Shaho moderne inclut une 8ème étape, le Zanshin qui est celle suivant le lâché de la flèche. Le tireur maintient les extensions verticale et horizontale du corps mises en place un peu avant le départ de la flèche.

Il maintient cette posture dynamique après le lâché, afin de s’assurer qu’à l’instant du tir, la flèche vole avec le maximum d’énergie libérée par l’arc.

Les huit étapes du tir se déroulent comme suit:

Les étapes de tir du Kyudo
Les 8 étapes de tir du Kyudo

Bien que le tir lui-même comporte huit phases distinctes et consécutives, celles-ci ne se déroulent pas indépendamment mais constituent un cycle complet, dans lequel il n’y a pas de séparation.

Pour finir, voici un superbe reportage en 2 parties et en français sur l’entrainement au Kyudo: Nyumon.

 

 SOURCE: https://www.fascinant-japon.com/
Retour au blog

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.